Femme à coudre – Paul Gauguin

Femme à coudre   Paul Gauguin

En 1880, Gauguin peint une femme nue – la femme de chambre de Justine pose pour lui. Dans ce nu, Gauguin exprime parfaitement ce qui le distingue des impressionnistes. En fait, il est difficile de trouver quoi que ce soit en commun entre une femme assise sur le bord du canapé et penchant son visage morne sur le tissu qu’elle reprend et les femmes nues de Renoir, avec leur chair fleurie et pétillante! La brosse Renoir caresse la surface de la peau. Sous le pinceau de Gauguin, l’âme émerge à travers les formes du corps.

Renoir et d’autres impressionnistes écrivent le visible, Gauguin, consciemment ou non, essaie d’écrire quelque chose qui est au-delà du visible, quelque chose que le visible reflète dans une certaine mesure. Ce nu se détachait tellement des autres œuvres de Gauguin lui-même et de ses camarades que lors de la sixième exposition impressionniste en avril 1881 dans la maison numéro 35 sur le boulevard Kapucinok, où ce tableau était accroché, elle a longtemps attiré l’attention de l’écrivain naturaliste Guismans. “L’année dernière”, a écrit Guismans, “M. Gauguin a sorti… une série de paysages – une sorte de Pissarro liquéfié et fragile. Cette année, M. Gauguin a présenté une œuvre véritablement indépendante, une peinture qui témoigne du tempérament indéniable d’un artiste moderne.

Le tableau s’intitule “Étude de la nudité”. J’ose affirmer que pas un des artistes contemporains qui ont travaillé sur la nudité, la vérité de la vie n’a sonné avec une telle force… Cette chair crie. Non, ce n’est pas cette peau uniforme et lisse, sans boutons, taches et pores, cette peau que tous les artistes ont trempée dans un pot de vodka rose puis repassée au fer chaud. Il s’agit de l’épiderme rouge de sang, sous lequel les fibres nerveuses tremblent. Et en général, combien de vérité se trouve dans chaque particule de ce corps – dans un ventre épais suspendu aux cuisses, dans les rides sous la poitrine flasque, entouré d’un bistre, dans les articulations des genoux noués, dans les poignets osseux! .. Au fil des ans, M. Gauguin a été le premier à dépeindre le moderne femme… Il a complètement réussi, et il a créé une image vraie et sans peur. “

Après cela, Huysmans a brièvement mentionné les sept peintures restantes, une figurine “gothique moderne” en bois et un médaillon en plâtre peint avec lequel Gauguin a été présenté à l’exposition. “Mais dans les paysages, la personnalité de M. Gauguin a encore du mal à sortir des bras de son mentor M. Pissarro”, a écrit Huysmans avec un léger mépris. Les louanges de Huysmans ont sauvé Gauguin des doutes: c’est un artiste, un vrai artiste et non un amateur. Mais ces louanges devaient l’embarrasser. Huysmans le louait généralement pour le réalisme, et Gauguin avait certainement le même doute instinctif par rapport au réalisme qu’en relation avec l’impressionnisme. En fait, l’impressionnisme était l’héritier du réalisme. Dans les deux cas, il s’agissait de représenter des “objets visibles”, cependant, de diverses manières.

Bien plus tard, lorsque Gauguin comprendra clairement le sens de ses propres recherches et qu’il comprend à quoi elles mènent, il ne dira pas accidentellement aux impressionnistes qu’ils ont effectué leurs recherches “autour de l’œil visible, et non dans le mystérieux centre de la pensée”. Les Guysmans nus et admirés, avec son corps lourd et sans attrait, avec son expression de tristesse, n’étaient pas du tout l’héroïne de la “tranche de vie” naturaliste. Elle était la messagère du monde intérieur de Gauguin, ce monde inconnu, dont la première manifestation inattendue fut cette peinture… “

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