L’un des événements les plus marquants de la vie artistique parisienne au début du XXe siècle a été le Salon d’automne de 1905, dont l’ouverture s’est accompagnée d’un scandale. Plusieurs jeunes artistes, regroupés autour d’Henri Matisse, y ont exposé un certain nombre d’œuvres, provoquant une explosion d’indignation publique et habitués à la critique française sensationnelle. Écrites dans des couleurs vives et éclatantes, avec un mépris accentué pour les règles du dessin et de la perspective, sans aucun souci de crédibilité, ces œuvres étaient perçues comme un défi audacieux au “bon sens” et au “bon goût”.
Les téléspectateurs surnommaient les jeunes peintres Les fauves, d’où le terme de fauvisme est apparu par la suite. Au moment de la première apparition des Fauvistes, les peintures du Gauguin récemment décédé ne suscitaient plus l’indignation de la majorité, bien qu’un certain nombre de traits les rapprochent du travail des jeunes innovateurs. Gauguin a toujours eu un élément d’exotisme qui aux yeux du public justifiait les conventions de son langage artistique. Les Fauvistes, par contre, reproduisent l’ordinaire, le quotidien, mais ils transforment l’image avec un courage sans précédent.
D’une certaine manière, ils étaient plus proches de l’image réelle des phénomènes que Gauguin. Ce dernier, en règle générale, refusait de transmettre l’éclairage, tandis que Matisse et ses camarades recréaient des effets solaires sur leurs toiles. Cependant, pour leur objectif, ils ont utilisé un nouveau langage artistique. La couleur dans les œuvres des Fauvistes ne traduit le plus souvent pas la véritable coloration des objets, on lui attribue une fonction différente – elle devrait provoquer chez le spectateur certaines associations, bien que tout à fait distinctes. Les fauvistes ne durent pas longtemps. Après un ou deux ans, les jeunes artistes se sont dispersés – chacun a suivi son propre chemin. En 1908, dans un de ses articles, Matisse a formulé sa tâche dans l’art comme suit: “Ce dont je rêve, c’est un art équilibré, propre, calme… qui serait pour tout le monde…
La vue de la petite ville de Collioura a été peinte par Matisse un après-midi étouffant du sud. Les éléments sont privés d’un contour clair. Au début, le spectateur voit une brume de couleur continue dans laquelle flottent des taches lumineuses, comme des pulsations colorées. Petit à petit, il commence à naviguer dans ce chaos, hétéroclite, comme une courtepointe patchwork. Le ciel dans le paysage est blanc de chaleur. Les contours des montagnes lilas fondent dans une brume blanchâtre, la couleur bleue de la mer se dissout dans un soleil impitoyable, les taches jaunes et oranges des toits de tuiles fondent. Rouge chaud, comme brillant de la chaleur, la terre au premier plan est transmise en rouge chaud. Comparé au sol, même les murs blanchis à la chaux des petites maisons semblent plus frais, ils sont donc peints en violet.
Seule une étroite bande de nuance vert foncé longe les maisons. Les fenêtres ont été peintes avec la même peinture verte froide: un crépuscule frais règne à l’intérieur des bâtiments. L’innovation audacieuse de Matisse est qu’à l’aide de couleurs pures, en utilisant ses propriétés associatives, elle transmet non seulement la lumière, mais aussi les sensations thermiques. L’artiste continue de résoudre ce problème dans plusieurs de ses œuvres ultérieures. Le tableau est entré à l’Hermitage en 1948 depuis le Musée d’État du Nouvel art occidental de Moscou.