La formation de Pierre Bonnard en tant qu’artiste coïncide avec l’époque où les dernières batailles autour de l’impressionnisme ont eu lieu dans l’art. Il a assisté aux triomphes posthumes de Cézanne, Van Gogh et Gauguin. Avec ses camarades – Denis, Vuillard, Valloton – Bonner est entré dans le groupe appelé “Nabis”. Suivant les légendes de Gauguin, ces artistes ont cherché à généraliser de façon décorative les formes et les couleurs.
La place principale dans l’œuvre de Bonnard est des scènes de rue, des images sans prétention de la vie de famille, des natures mortes et des paysages. Bonner développe son propre style, qui, avec un effet décoratif prononcé, n’est cependant pas aussi radicalement innovant que le style de Matisse; un rôle important est joué par le transfert d’espace, de volume et d’éclairage. À cet égard, l’œuvre de Bonnard peut être considérée comme une continuation des traditions de l’impressionnisme. Son art subit une évolution relativement faible au cours d’une longue vie.
En 1911, le célèbre collectionneur moscovite I. A. Morozov commanda à Bonnard une série de panneaux pour décorer le grand escalier de son hôtel particulier. Ces œuvres se caractérisent par une combinaison des tâches d’un panneau décoratif et d’une peinture-paysage. Les panneaux “Automne. Cueillette des fruits” et “Début du printemps au village” sont conservés au Musée des Beaux-Arts. A. S. Pouchkine à Moscou. Le triptyque de l’Ermitage occupait le mur d’extrémité de l’escalier. Selon le plan de l’artiste, la composition était divisée en trois parties par des demi-colonnes blanches et s’ouvrait sur l’entrée, comme visible à travers un portique antique, un paysage méditerranéen étincelant.
… La zone en face de la villa est inondée de soleil du sud chaud et éblouissant. De tous côtés, elle est entourée d’arbres et ce n’est que dans les profondeurs, dans l’écart entre eux, que la mer d’azur est visible. Les ombres lilas transparentes donnent à peine froid, et pourtant les habitants de la maison se pressent de s’y réfugier à l’heure sensuelle: une femme en robe blanche joue avec un chaton, l’autre parle avec un perroquet, deux bébés à moitié nus fourmillent dans le sable. Ces personnages, si caractéristiques de Bonnard avec son attachement à la poésie de la vie quotidienne, ne distraient pas le spectateur de l’essentiel – la nature luxuriante et fantastiquement abondante du sud qui les entoure.
D’énormes compartiments d’arbres occupent la majeure partie de la composition; le vert luxuriant des tons sombres, salades et argentés détermine la couleur du triptyque. Des cimes d’arbres bizarres, des troncs incurvés, des taches d’ombres déchirées donnent une impression de mouvement, qui aurait dû être particulièrement visible contrairement aux colonnes strictes.
La portée décorative de Bonnard est combinée avec un sens subtil de la couleur: il met des tons proches à proximité et ne semble pas monotone; il utilise des dizaines de nuances de vert et jaune, lilas et rose, marron et bleu, mais évite la panachure. Pour Bonnard, l’essentiel n’est pas le volume et les lignes, mais une tache colorée, il cherche à mettre en valeur le plan de l’image lui-même, l’alternance de plans sombres et lumineux.
Le triptyque méditerranéen est une chose créée dans la pleine puissance de son énorme talent pictural.
Le tableau est entré à l’Hermitage en 1948 depuis le Musée d’État du Nouvel art occidental de Moscou.