Cette peinture est la plus grande œuvre de Van Eyck après l’autel de Gand. Une fois de plus, le sentiment de réalité dans la transmission de l’espace, de la lumière et des objets, ainsi que l’effet de la présence de figures, capture l’esprit du spectateur. Cela a été rendu possible grâce à des techniques spéciales qui étaient en avance sur les nouvelles règles “académiques” de la peinture italienne de l’époque, que van Eyck connaissait probablement. Un groupe compact et symétrique de figures est entouré d’une colonnade en forme d’abside semi-circulaire. Les bases des colonnes avant ne sont pas compatibles avec la perspective du sol. Cette divergence est intentionnelle et est une conséquence du schéma spatial de van Eyck, qui est basé sur des points de fuite locaux. Cette méthode a permis à l’artiste de créer l’impression d’un véritable grand espace, qui est situé à côté du spectateur.
Le système consiste à diviser le plan de l’image en plusieurs zones combinées, chacune ayant son propre point de fuite. Ce n’est peut-être pas un système empirique et intuitif comme on le croit généralement, mais il représente une alternative compétitive au système italien avec un seul point de fuite, qui ne convient qu’à l’espace à un angle moins obtus. Un arc en plein cintre, qui en hauteur ne dépasse pas les chiffres eux-mêmes, souligne la fonction religieuse de la pièce. Cependant, les éléments architecturaux représentés ne jouent pas tant le rôle d’un cadre, mais soulignent les proportions gigantesques des figures.
L’architecture romane élaborée est étonnamment similaire aux chœurs non conservés de l’église Saint-Donazien, à en juger par leurs images du XVIIIe siècle. L’emplacement de l’ensemble du groupe dans les chœurs, avec l’autel servant de trône à la Vierge Marie, fait allusion au sacrement de l’Eucharistie. C’est pourquoi le canon est habillé de crèche. Les chapiteaux des pilastres dans la galerie sombre représentent des épisodes de l’Ancien Testament, y compris de petites statues de Caïn avec Abel et Samson avec un lion sur les piliers du trône. Jésus et Marie sont les nouveaux Adam et Eve, qui sont représentés dans des niches sous les sculptures. Les histoires héroïques à côté de Saint-Georges symbolisent la lutte triomphale avec le mal. Le sacrement de l’Eucharistie est représenté à côté du Saint Donacyan, qui devient ainsi une cérémonie sacrée.
La colonne derrière Saint-Georges est sensiblement de couleur différente des autres colonnes. Ainsi, van Eyck a cherché à indiquer symboliquement la lutte sacrée et le sang du Christ. Il est difficile de trouver un meilleur exemple d’utilisation du symbolisme dans une image réaliste. Le cadre est représenté sous la forme d’une fenêtre en pierre sculptée, sur laquelle le texte est découpé à gauche, en haut et à droite. L’inscription ci-dessous est incrustée d’or. Le gaufrage des lettres donne la même source de lumière. Vu sous cet angle, le caractère figé de la scène à l’intérieur du cadre apparaît: il s’agit d’une imitation d’une sculpture géante colorée de pierre et de métal. Fait intéressant, les personnages de l’image forment des blocs de couleurs distincts: bleu, rouge, blanc et or. Ces couleurs coïncident-elles avec les couleurs des armoiries de la ville de Bruges? De l’or, du rouge et du bleu sont également présents sur les armoiries du canon et de sa famille et sur les éléments décoratifs de la chapelle. Pendant la vie de l’artiste, cette image a été aussi populaire que son “autel de Gand”. Cela est dû au fait qu’elle était dans l’église, et non dans une collection privée, comme beaucoup d’autres œuvres de l’artiste.