Deux musiciens – joueur de flûte et batteur. Les deux – en particulier le batteur – sont jeunes et joyeux. Avec une négligence fringante, le batteur a jeté une cape, baissé la tête avec ferveur, battu le tambour avec enthousiasme. Chez un musicien insouciant, nous reconnaissons facilement, mais avec surprise, Dürer. Il se savait et se voyait comme tel. Et il aimait son état comme ça. “Il n’a pas du tout considéré que la douceur et la gaieté de la vie sont incompatibles avec l’honneur et la décence, et lui-même ne les a pas négligés”, écrit son contemporain et ami, le savant Joachim Kameriy, dans la préface du traité de Dürer.
Le paysage, contre lequel les musiciens sont représentés, respire la joie et la légèreté: un ciel bleu dans des nuages transparents, des montagnes bleues à l’horizon, un pré vert ensoleillé. La couleur est claire, sonore, comme une mélodie de flûte… Dürer pourrait écrire lui-même un prophète, ou il pourrait être un “idiot idiot” et convaincre le spectateur dans les deux cas: “Je suis comme ça!” Dürer n’a pas menti sur lui-même. Et n’a pas triché. Il était tel ou tel. L’une des propriétés d’un génie est sa capacité à vivre dans des états mentaux différents, souvent conflictuels. Et dans chacun d’eux pour être convaincant.