Autoportrait de Jacopo Tintoretto. La taille du tableau est de 63 x 52 cm, huile sur toile. Le visage lugubre et émacié du vieux maître sort de l’obscurité obscure d’un fond indéfiniment instable, éclairé par une agitation, incertaine, comme si la lumière pâlissait. Il est dépourvu de toute représentativité ou beauté physique, il est le visage d’un vieillard fatigué, épuisé par de lourdes pensées et des souffrances morales. Mais la beauté spirituelle intérieure, la beauté du monde moral de l’homme, transforme son visage, lui donne une puissance et une signification extraordinaires.
En même temps, ce portrait n’a pas cette sensation de connexion intime, une conversation intime tranquille entre le spectateur et le portrait, ou la participation du spectateur à la vie spirituelle du héros que nous ressentons dans les portraits de feu Rembrandt. Les yeux mélancoliques aux yeux écarquillés de Tintoretto sont dirigés vers le spectateur, mais il glisse devant lui, il est transformé en une distance infinie ou, ce qui est la même chose, en lui-même.
En même temps, en l’absence de tout geste extérieur, le rythme agité de la lumière et de l’ombre, la nervosité presque fébrile du frottis avec une force exceptionnelle transmettent un sentiment de confusion intérieure, une ruée agitée de pensée et de sentiment. C’est l’image tragique d’un vieil homme sage qui cherche et ne trouve pas de réponse à ses questions tristes adressées à la vie et au destin.
Les contradictions les plus profondes et les plus tragiques de l’époque de la fin de la Renaissance et du maniérisme ont été exprimées dans l’œuvre de Jacopo Robusti, surnommé Tintoret. Tintoret est issu des cercles démocratiques de la société vénitienne, il était le fils d’un teinturier de soie, d’où son surnom de Tintoret est teinturier.
Contrairement à Titien et Aretino, la vie du fils du teinturier se distingue par sa modestie. Tintoret a passé toute sa vie avec sa famille dans une maison modeste, dans un quartier modeste de Venise à la Fondation dei Mori. Altruisme, mépris pour les joies de la vie et les tentations de son luxe – une caractéristique du maître. Souvent, s’efforçant tout d’abord de réaliser son projet créatif, il était si modéré dans ses honoraires qu’il s’engageait à n’effectuer de grandes compositions qu’au prix de peintures et de toiles.
Dans le même temps, le Tintoret se distinguait par l’étendue purement Renaissance des intérêts humanistes. Il faisait partie d’un cercle restreint des meilleurs représentants de l’intelligentsia vénitienne de la fin de la Renaissance – scientifiques, musiciens, penseurs sociaux avancés: Daniele Barbaro, frères Venier, Tsarlino et autres. En particulier, Zarlino, compositeur et chef d’orchestre, a été étroitement associé à la transition de la musique vers la polyphonie, à la création d’un double contrepoint, au développement de la doctrine de l’harmonie, qui fait écho à la polyphonie du complexe, pleine de dynamique agitée et d’expression de la peinture de Tintoret, qui avait un talent musical exceptionnel. Bien que Tintoret ait étudié la peinture avec Bonifacio Veronese, il est beaucoup plus obligé de maîtriser profondément l’expérience créative de Michel-Ange et de Titien.
L’art en développement complexe et contradictoire du Tintoret peut être grossièrement divisé en trois étapes: au début, où son travail est encore directement lié aux traditions de la Haute Renaissance, couvrant la toute fin des années 1530 et presque toutes les années 1540. Dans les années 1550-1570, le langage artistique particulier du Tintoret a finalement émergé comme un maître de la fin de la Renaissance. C’est sa deuxième période. Les quinze dernières années du travail du maître, lorsque sa perception de la vie et du langage artistique atteignent un pouvoir spécial et un pouvoir tragique, forment la troisième et dernière période de son travail.